Thorsten s’étirait consciencieusement. Il venait a peine de rentrer de son jogging matinale et il devait reconnaître qu’il lui était de plus en plus difficile de sortir aussi tôt avec le froid qui s’installait. Il faisait encore nuit, comme la plupart du temps de toute façon, et il s’était levé bien avant l’heure habituelle, il avait une petite visite a faire avant de pouvoir se rendre au travail ce matin la. Il y a quelques jours a peine, il avait sorti une jeune femme d’une bien mauvaise situation, et alors qu’elle l’avait invité chez elle pour le remercier, elle s’était endormie. Il comprenait pourquoi, les émotions fortes du genre, ca fatiguait. Plutôt que de la réveiller, il l’avait mise sur son lit et était parti sans dire un mot. Il lui avait juste laissé une réponse au bas du mot qu’elle lui avait griffonné. Il avait écrit un mot, un seul « Thorsten ». Elle lui avait dit son prénom, il lui devait bien de lui rendre la pareille. Ce matin la, il avait décidé de passer la voir, avec un peu de recherches, parce que oui, il avait fait des recherches a son sujet (il avait un peu farfouillé dans son appartement a la recherche d’un indice), il avait trouvé que la jeune femme travaillait dans une boutique de fleur pas très loin d’ici. Il y passerait donc ce matin, et achèterai des fleurs au passage, pas pour lui non, il n’aimait pas ca, pas pour son bureau non plus, il n’avait de toute façon pas le droit, le pollen ou les bestioles transportés par les tiges pourraient venir contaminer ses corps, mais plutôt pour une de ses collègues. Il n’en était pas obligé, il estimait juste que passer chez un fleuriste sans acheter de fleur était un peu comme aller dans un restaurant, s’asseoir, et regarder manger les autres sans jamais rien prendre pour soi même. Le jeune homme jeta un rapide coup d’œil à sa montre. S’il ne se dépêchait pas de se préparer, il n’aurait jamais le temps de tout faire. Sans attendre une minute de plus, il se rua en direction de sa salle de bain. Une bonne trentaine de minutes plus tard le jeune homme attrapait ses clés et son porte monnaie dans la petite entrée de son appartement, prêt a partir. Il avait eut le temps de tout faire, surement grâce au don extraordinaire qu’il possédait pour un homme : il savait faire plusieurs choses en même temps (comprendre ici qu’il arrivait a se doucher, chanter et manger un bout de toast trop grillé en même temps.) La porte de son appartement claqua derrière lui. Il avait décidé de prendre son vélo aujourd’hui, il savait parfaitement qu’il aurait du prendre sa voiture, mais il n’en avait pas l’envie, il avait besoin d’avoir un peu d’air dans ses poumons avant de se présenter devant Prudence. Il ne savait pas trop pourquoi, mais cette rencontre l’angoissait un peu. Il ne savait pas trop s’il allait être le bienvenu, ou si au contraire elle allait lui claquer la porte au nez. Après tous, il restait parti sans un mot l’autre soir, mais en même temps, il ne s’était pas imaginé passer la nuit chez une jeune femme qu’il venait a peine de rencontrer, et qui ne l’avait clairement pas ramené chez elle pour profiter de la chaleur de sa peau.
Thorsten pédalait, espérant que chaque coup de jambe arriverait a le rendre moins nerveux, tout en regardant le nom des rues qui défilaient devant son nez. Il savait plus ou moins ou il allait, mais il préférait ne pas trop se tromper. Et puis enfin, il arriva ou il voulait arriver. Par la barbe de Thor tout sacré….. Jamais, JAMAIS, de sa vie n’avait-il vu un endroit comme celui-ci. Il poussa gentiment la porte des lieux et se frappa intérieurement. De toutes les fois ou il était passé dans le voisinage, il n’avait jamais remarqué la boutique. Il ne comprenait pas comment…. Lui qui n’aimait pas les fleurs, il se sentait comme hypnotisé par l’endroit… Si c’est Prudence qui avait décoré l’endroit, et bizarrement il n’en doutait pas, le style de la boutique ressemblait a ce qu’il avait pu voir chez elle, il savait qui appelé lorsqu’il désirerait faire une réception, ou des rénovations chez lui. Et puis il l’aperçu, elle lui tournait le dos…. Le jeune homme en profita pour la détailler. Elle était belle, il le savait ca déjà, mais jamais il n’avait pris le temps de s’attarder en détail sur elle. Ses yeux se fixèrent un instant sur ses pieds, alors qu’un sourire s’installait sur son visage. Elle ne l’avait pas vu, et elle ne l’avait probablement pas entendu. Il en profita pour s’approcher d’elle sans bruit afin de venir se positionner a quelques pas d’elle.

Bonjour Prudence…

Il devait reconnaître que plus d’une fois durant le court trajet qu’il avait fait entre son appartement et la boutique de la demoiselle, il s’était demandé si c’était vraiment une bonne idée pour lui d’aller la revoir. Il ne savait pas comment elle allait réagir, il ne savait pas si revoir la personne qui l’avait sorti d’un mauvais pas lui serait bénéfique, ou si au contraire elle allait se retrouver a penser a cette soirée. Il n’en savait rien, et c’est ce qui l’angoissait plus ou moins. Il s’inquiétait vraiment du sors, et du bien être de la demoiselle, et pourtant, il ne la connaissait pas. Mais maintenant qu’il était la, il savait qu’il avait fait la bonne chose. Ne serait-ce que pour sa conscience a lui. Il se devait de vérifier comment elle allait. On ne sauvait tout simplement pas quelqu’un pour l’abandonner un peu plus tard. Qu’il le veule ou non, il était lié a elle, tout du moins pour le moment. Et il devait reconnaître qu’il était aussi intrigué par la demoiselle. Elle pouvait parler, mais elle avait décidé de ne pas le faire. Pourquoi ? Il n’en savait rien, et très honnêtement, ca l’intriguait au possible. Et le plus étrange dans tout ca, c’est qu’il sentait une attraction, presque incontrôlable, vers ce trait de caractère. Elle était différente des autres. Vraiment différente. Et même si elle ne lui parlait pas, il la comprenait, et ca, il ne savait vraiment pas pourquoi, c’était juste comme ca, et pas autrement. A croire qu’il avait déjà vécu avec quelqu’un de muet par le passé, mais ce n’était pas le cas.
Il n’aimait pas les fleurs. Le monde entier le savait, il les trouvait magnifiques certes, mais il trouvait ca complètement idiot et ridicule de vouloir les couper et les retirer de leur habitat naturel. Une fois qu’elles avaient été arrachées, elles se mettaient a mourir, et il pouvait contempler, dans ces végétaux, ce qu’il observait tous les jours dans son travail : la disparition de quelqu’un. Il était suffisamment entouré par la mort sans en plus devoir rajouter ca. Et le pire, oui vraiment le pire qui pouvait exister avec cette passion et lubie des fleurs, était cette sorte d’obligation qu’un homme avait de devoir acheter des bouquets pour sa bien aimée. A chaque fois qu’il faisait ca, parce que oui, il l’avait fait plusieurs fois, par obligation et pression de la société, il hésitait à dire quelque chose du genre « tiens chérie, un bouquet de fleur. Ca symbolise ce que l’on a ensemble, joli au début mais éphémère et vraiment puant a la fin ». Mais la, dans cette boutique, c’était différent. Ce n’était pas qu’une simple boutique, c’était un véritable jardin, une serre géante ou poussait toutes les fleurs possibles et imaginables. Ca, oui ca, c’était beau et merveilleux.
Prudence se retourna brusquement en se levant. L’avait-il effrayée ? Il n’aurait peut-être pas du faire aussi peu de bruit en arrivant, il aurait du s’annoncer un peu plus tôt, mais après l’effet de surprise aurait été perdu. Il avança juste légèrement ses bras, par reflexe, au cas ou elle tombe sous l’effet de la surprise. Il n’aurait pas voulu que la jeune femme se retrouve les fesses sur le sol, une fois encore. Il l’aimait beaucoup plus lorsqu’elle se tenait fermement sur ses deux pieds et que son visage n’exprimait aucune peur. Le regard qu’elle lui avait lancé la première fois qu’ils s’étaient rencontrés fit une brève apparition dans son esprit. Ce regard, il ne voulait plus jamais le revoir, ni sur son visage, ni sur aucun autre visage. Personne ne méritait de ressentir autant de peur. Et puis, il oublia tout au moment ou les bras de la demoiselle se resserrent autours de lui. Un léger sourire s’installa sur son visage alors qu’il portait, lui aussi, ses bras autours d’elle, la serrant un instant contre lui. Ils ne se connaissaient pas, ou tout du moins pas vraiment, mais ils avaient partagé quelque chose qui les rendaient plus proches que bien des gens.

Thorsten….

A… elle avait eut son message alors. Et encore une fois, elle venait de lui parler. Et puis, elle se détacha de lui, afin de remettre sa robe en place. Peut-être, il n’en savait rien. Il pouvait voir qu’elle était heureuse de le voir, et le jeune homme s’en sentit soulagé. Il remarqua aussi qu’elle lui demandait ce qu’il pouvait bien faire la. La question était tout a fait légitime… Le concerné sourit une fois de plus avant de se mettre a marcher, a pas lents, entre les nombreuses fleurs de la boutique.

J’ai fait des recherches et j’ai appris que tu travaillais ici… Je me suis dis que passer voir comment tu allais serais une bonne idée. Alors maintenant que je suis la…Comment vas tu ? Et je suis parti sans rien dire l’autre jour… Il fallait que je me fasse pardonner…La boutique est a toi ?