La vie reprenait son cours, plus ou moins normal. Il ne pouvait pas dire que ca l’excitait particulièrement, mais il aurait été le dernier à lui dire que cela le dérangeait, au contraire. Paulina était rentrée, une fois de plus, dans sa vie, et ca, oui ca vraiment, ca l’enchantait. Comment ne pas l’être de toute façon ? Cette femme avait le don de vous rentrer sous la peau, que vous le vouliez ou non c’était pareil et aucun choix n’était laissé, et refusait d’en ressortir. Il fallait avoué qu’au début, il y a de cela tellement longtemps, Thorsten n’avait pas particulièrement apprécier, et puis.. Il s’était laissé bercer, et depuis, elle lui était indispensable. Cette fille valait de l’or et trop peu de personne ne s’en rendait compte à son gout. Mais tant mieux, de cette façon, elle était à lui et rien qu’a lui. Depuis qu’elle avait quitté la demeure qu’elle partageait avec son mari, elle était de retour dans son appartement, et il passait la voir quasiment tous les jours. Et c’est de la, qu’il sortait aujourd’hui. Il était content, et plus encore, qu’elle soit de nouveau la avec lui, mais ca, c’était de l’égoïsme pur. Si l’on franchissait cette première couche de sentiments, on arrivait à quelque chose de bien différent. Il s’inquiétait pour elle. Il ne lui disait pas, mais ca ne lui empêchait pas de le penser bien fort. Elle n’était pas bien, et même si elle ne le montrait pas, il sentait que la dispute qu’elle avait du avoir avec son mari n’était pas n’importe quoi, et si elle en était venu a quitter leur maison, ca n’avait pas du être la première fois qu’un mot volait plus haut que l’autre. Elle était impulsive et agissait bien souvent trop vite, mais on ne pouvait pas partir de chez soi sur un coup de tête enfantin. Alors oui il s’inquiétait ; il n’arrivait pas à voir si son mari l’avait blessé, s’il l’avait menacé ou quoi que ce soit. Il n’avait jamais compris leur mariage de toute façon, il avait semblait être précipité et pas vraiment composé d’amour, pas du tout même. Elle méritait plus que ca, bien plus que ca.
Thorsten soupira. Depuis qu’elle était de nouveau seule, la même conversation, le même train d’idées traversait son esprit au moins une fois par jour, en général lorsqu’ils venaient juste de se voir. Il était tout a la fois, son frère, son père et son amant, protecteur comme jamais et inquiet comme pas deux. Quand ils étaient ensemble, les choses étaient différentes. Il était heureux, et espérait que les choses allaient être comme ca pour toujours. Ils étaient faits pour être ensemble, c’était écrit dans les livres. En revanche, a peine il claquait la porte de Paulina que la réalité lui claquait à la figure comme une bonne grosse claque qu’il méritait. Le jeune homme pensait trop et il ne regardait pas assez. A cause de ca il avait failli rentrer en plein dans quelqu’un alors qu’il descendait les escaliers et que l’inconnu les montait. En temps normal, il se serait excusé instinctivement, mais aujourd’hui son cerveau était ailleurs. Très rapidement, il réalisa qu’il avait bien fait. Son regard venait de se baisser sur le visage de quelqu’un qu’il préférait ne jamais voir. Le moins il le voyait, le mieux il se portait, et il fallait croire que le reste de son entourage s’en portait pour le mieux aussi. Aleksi Svensson… L’homme qui venait de pourrir la vie de la femme la plus important a ses yeux, l’homme qui, a son plus grand regret, occupait une bonne section de son cerveau, mais absolument pas pour les bonnes raisons. Quand on parlait de la bête… on en voyait les yeux luisants. Et c’est exactement ce qu’il voyait a ce moment très précis, les yeux luisants du mari de Paulina. Il ne lui avait fallu qu’un quart de seconde pour le reconnaître, il ne l’avait vu qu’une fois, et autant dire que ce jour la, son regard était plus attiré par le corps parfait de son amie dans une robe de mariée, que par lui ; mais il l’avait suffisamment vu dans la presse people pour ca. Par instinct, il s’était fait plus large, plus droit et plus imposant. Il n’y avait pas trente six mille raisons pour sa présence ici, et il était absolument hors de question que cela arrive.

Thorsten.
Le concerné fit un minime signe de la tête avant de se mettre droit dans le chemin du jeune homme. Elle ne veut pas te voir. Ni maintenant, ni plus tard.

C’était peut-être un immense mensonge, il n’en savait rien, et à vrai dire, il s’en contrefichait totalement. La vérité était simple, il n’avait pas envie qu’il la voit, ni maintenant, ni plus tard, ni jamais, et pour l’instant, vu qu’il était en contrôle de la situation, cette justification devait suffire. Tant qu’il serait la, dans cet immeuble et non loin d’elle, il était hors de question qu’Aleksi voit sa femme. Thorsten était quasiment sur que ce qu’il venait de dire était un bon gros mensonge, il savait qu’au fond d’elle Paulina désirait que son époux viennent après elle, sur son cheval blanc, un bouquet de fleurs et un paquet de chocolats a la main avant de s’aplatir devant ses pieds magnifiques afin de lui implorer son pardon ; elle ne le lui disait pas, elle ne se l’avouait peut-être même pas, mais la chose était ainsi. Ecoeurante. Et ca, Aleksi ne devait pas le savoir. Paulina était a lui pour l’instant, et il aurait désiré que les choses restent ainsi le plus longtemps possible même s’il n’était pas stupide, il savait que ca ne pouvait durer infiniment ; pas quand c’était le couple le plus discuté et controversé de la ville. Il n’y avait pas une semaine sans qu’une photo de lui, ou d’elle, ne fasse la une des magazines people, et depuis peu, c’était l’annonce de leur séparation, ou les rumeurs de, qui faisaient baver tous ces journalistes en quête de reconnaissance.
Ses paroles avaient frappé au bon endroit, il ne lui avait fallu qu’une demi seconde pour apercevoir une réaction infime chez l’autre. Passer sa vie a étudier le corps humain dans ses plus profonds endroits et sous toutes ses coutures avait permis a Thorsten de pouvoir se vanter d’être un observateur des réactions humaines hors paire. Etudier, dans son rare temps libre, afin de pouvoir ajouter le titre de Maitre en psychologie légale a coté de son Docteur en Médecine légale, lui donnait aussi l’avantage de cibler facilement le caractère des personnes l’entourant. Et à cet instant très précis, le caractère qui émanait de celui juste en face de lui ne lui plaisait absolument pas du tout. Il venait de se tendre, la situation devenait plus intense et le taux de testostérone venait lui aussi d’augmenter largement. La rivalité entre eux deux avait toujours été la, et ce depuis la première seconde de leur première rencontre ; ils ne se connaissaient pas, et l’envie de faire connaissance ne serait surement jamais présente. Ils seraient toujours en opposition constante, c’était inévitable, comme une loi de la nature écrite a jamais dans leur code génétique. Ils étaient voués à désirer ce que l’autre avait sans jamais l’avoir. Thorsten l’avait elle, dans le creux de sa main et depuis le début. Lui… Il l’avait elle, autours de son doigt. La vie était ainsi, tordue et mal foutue.
Aleksi monta d’une marche, réduisant la distance qui les séparait a un presque rien qui donnait envie a Thorsten de le pousser bien fort en bas des marches, mais il n’était pas homme a commencer les hostilités si tôt, il attendrait et frapperait quand il le faudra, s’il le faudra. Ca ne l’empêcha de froncer le nez quelques secondes, comme si l’odeur, à présent si proche du mari de son amie le dérangeait au plus haut point. Il se voulait imposant et maitre de la situation, il fallait rendre a César ce qui appartenait a César, il avait beau devoir lever la tête pour le regarder, encore plus que d’habitude, il n’en prenait pas pour autant une couche de faiblesse ; ce qui n’empêchait tout de même Thorsten de le voir comme un insecte tout juste bon a être écrasé du bout de sa chaussure, un cloporte, rampant un peu partout, mais toujours non-désiré.

Il me semble que c’est à elle de me le dire, et non à toi.
Comme quoi tu fais erreur… Encore une fois. Les regards se fixent, inflexibles et inébranlables. Il ne lâcherait pas sa position, et lui non plus. Le jeu pourrait durer des heures qu’aucun ne bougerait.
Laisse-moi passer, Thorsten, c’est ma femme, ma faute à réparer.

Soupire méprisant et sourire condescendant s’installèrent sur le visage parfait du médecin. La vérité avait donc “éclatée” au grand jour, il y avait eut faute dans le mariage parfait, et la faute était l’entière responsabilité de monsieur. Il se savait en position de force à cette seconde même. Lui avait vu Paulina; lui l’avait serré dans ses bras, lui seul avait son parfum autours de sa chemise, et lui seul, o oui, lui seul, savait exactement ce qui s’était passé dans cet appartement. La jalousie était une chose omniprésente en chaque être humain; et il espérait très fortement qu’elle était en train de bouillir au fond d’Aleksi, prête a exploser a tout moment. Thorsten posa sa main sur l’épaule du jeune homme et enfonça ses doigts dans la chaire avant de le pousser, le forçant a descendre d’une marche. Une fois la place libre, il descendit lui aussi d’une marche, prenant la place occupée précédemment par Aleksi. Il récupéra bien vite sa main pour lui avant de se refaire brute épaisse, armoire a glace, personne ne passe.

Touchant… Vraiment… Mais non. Le problème tu vois, c’est qu’il y a justement faute a réparer. Paulina n’est pas une poupée qu’on prend et qu’on jette. Elle mérite mieux que ca. Mieux que toi. Et s’il t’a fallu tout ce temps pour réaliser quel con tu as pu être avec elle, quoi que tu ais pu lui faire, je pense que tu peux rentrer chez toi, méditer encore un peu la dessus, et revenir plus tard. Ou jamais.

Ce qu’il venait de dire, il le pensait entièrement. Il ne disait pas ca que par esprit de contradiction et afin d’agacer, encore un peu plus, le jeune homme en face de lui. Paulina valait vraiment mieux que ca, beaucoup mieux que ca. Il fallait prendre soin de cette jeune femme, lui apporter tout l’amour et toute l’attention dont elle avait besoin. Il ne fallait pas la laisser dans un coin ; et vu qu’elle s’était enfuie du domaine conjugale, cela voulait dire, que d’une façon ou d’une autre, Aleksi n’avait pas réussi à faire son devoir. Et a cause de ca, il ne la méritait pas. Il avait été stupide de la laisser partir, et pire encore, il avait été stupide de lui donner une raison de partir. Pire encore, son visage n’exprimait absolument aucun regret, et ca, c’était impardonnable. Thorsten ne savait pas ce qui s’était passé, et il ne voulait pas savoir, ca ne le regardait pas. La seule chose qui était en son pouvoir, et qui était, après tout son rôle et sa raison d’être dans la vie de Paulina, était d’être la pour elle, la soutenir dans cette épreuve et de se dresser, tel un mur, devant son mari. Et c’est ce qu’il avait fait, et ce qu’il faisait encore. Il venait d’ailleurs de le faire, serrant son amie fort dans ses bras. Elle n’allait pas bien aujourd’hui, il détestait la voir comme ca, et voir la raison de son malheur, prétentieux comme jamais, lui donnait des envies de violences qui étaient habituellement facilement calmées par deux ou trois heures dans une salle de gym ; mais aujourd’hui, ca ne suffirait pas.
Encore une fois il avait touché juste. Il bouillait, il bouillonnait et bientôt la grosse marmite vide qu’il était allait déborder. Parfait. Thorsten s’autorisa un minime sourire de satisfaction. C’était puérile, mais c’était comme ca. Paulina déteignait sur lui a force de passer tant de temps avec elle. L’autre homme remonta d’une marche, les mettant au même niveau et dans une proximité plus qu’agaçante.

Je crois, moi, que tu n’arrives pas à te remettre de ce mariage. Thorsten reste infaillible, se contentant de le regarder. Il n’avait aucune réponse à donner a cette affirmation. Il n’en savait rien. Ce mariage l’agaçait certes, et il l’agaçait bien plus que si cela avait été une autre amie amie qui aurait épousé le Svensson ; mais de la a dire qu’il ne se remettait pas…. Il avait accepté la situation, ca ne voulait pas dire qu’il la comprenait ou en était heureux. Cela fait des années que tu connais Paulina, […] Je n’ai pas à me justifier auprès de toi. Oui vraiment… très touchant et charmant ce qu’il venait de lui dire. Thorsten, les yeux de glace, laissa un éclat de rire s’échapper de ses lèvres.
Crois ce que tu veux Svensson, et vois ce que tu désires voir… Mais tu ne connais pas la moitié des choses. Et oui, Paulina en vaut la peine… Il aurait juste fallu que tu réalises ca le jour de votre mariage… Mais bon… Elle fini toujours- et il avait insisté sur le toujours- par revenir vers moi. Je pense que je devrais même te remercier pour la faire venir me voir aussi souvent. Et puis… Tu devrais la voir quand elle est énervée contre toi… Elle est toujours… si… sauvage.

Aleksi le poussa pour continuer à grimper les marches, l’interrompant dans son mini-monologue. Le médecin légiste laissa un soupire s’échapper, un soupire de mécontentement.

J’ai pourtant été clair en disant que tu ne la verras pas aujourd’hui.

Il avait dit ca tout en se retournant. Encore une fois, il posa fermement sa main sur l’épaule de l’autre et le tira fermement vers l’arrière tout en s’écartant de son chemin. Il pouvait dévaler les quelques marches, s’ouvrir le crane et se vider de son sang lentement que Thorsten ne bougerait pas d’un centimètre de sa position. Il se sentait un peu comme Gandalf… « vous… ne passerez pas. »

Il se fichait des conséquences a présent. Aleksi venait de réellement lui passer sous la peau, et il n’avait qu’une seule envie, l’en faire sortir le plus rapidement. Il voulait le voir partir, le voir s’éloigner de cet immeuble et, de préférence même s’il savait que c’était impossible, il voulait le voir s’éloigner de sa vie. Voir que quelqu’un ne lui obéissait pas avait de quoi l’énerver très fortement. Il ne donnait pas souvent d’ordre, ce n’était pas son genre, mais quand il en donnait, il aimait qu’ils soient respectés. Il n’était pas a l’aise en présence d’autres être humains ; ou tout du moins des être humains toujours vivants et respirants, les morts, c’étaient une autre histoire. Se retrouver face a quelqu’un qu’il n’appréciait absolument pas, sans pour autant le connaître pour un sous, lui provoquait une impression bizarre. Il n’était pas à l’aise, pas dans son élément, être avec quelqu’un n’était de toute façon pas dans son élément. Et pourtant il faisait avec ; il le faisait pour Paulina, la protégeant de cette bête féroce qui n’avait pas encore sortie ses crocs et qui ferait d’ailleurs mieux de ne pas les sortir. Thorsten n’était pas une bête sauvage, il était même le contraire, il était plus du genre prince charmant bien sous toutes les coutures, ou presque ; mais s’il le fallait, il n’avait aucun mal a remettre a leur place les importuns. Encore une fois, sa connaissance, absolument sans faille du corps humain et de ses faiblesses lui donnait un avantage au niveau de l’attaque, et de la défense. Il était en train de se faire mur pour empêcher l’autre de passer, bandant tous ses muscles afin de se faire plus large et plus imposant. Il s’attendait à voir un coup partir, et il était prêt à le recevoir. Il était prêt à se battre comme si sa vie en dépendait s’il le fallait. Pour Paulina, il ferait ca ; pour elle, il aurait fait bien plus que ca. Il lui aurait arraché la tête avec les dents si elle le lui demandait ; il irait même nager dans l’océan si elle le lui demandait. Il le ferait en râlant comme un pou, mais il l’aurait fait quand même. Un coup de poing dans la figure- endroit de prédilection des agresseurs, choix stupide si on lui demandait son avis- et un nez cassé était un prix bien minime a payé pour la voir saine et sauve.
Il ne l’avait cependant pas tiré suffisamment fort pour qu’il s’explose la tête, ou le coccyx, contre le sol. Il avait juste descendu quelques marches se rattrapant de justesse à la rampe. Parfait, il venait de tomber de son piédestal, peut-être allait il comprendre que ce n’est pas parce que le reste du monde lui obéissait au doigt et a l’œil et parce que la presse lui collait au cul comme la vérole sur le bas clergé qu’il se laisserait faire. Il avait dit qu’il ne la verrait pas, et il ne la verrait pas. L’autre descendit d’ailleurs les quelques marches qui le séparaient du palier. Parfait, il commençait à comprendre. Thorsten baissa un peu plus le regard, refusant catégoriquement de perdre le contact qu’il avait sur ses yeux. Il croise les bras et se pince le nez. Serait-il agacé par hasard ?!

Soyons clairs, nous ne sommes pas amis. Je ne t’aime pas, et je ne t’aimerais jamais.
Encore une fois, Thorsten ne pu retenir son éclat de rire. Bravo capitaine! Vous avez enfin réussi à découvrir la vérité cachée! Non mais sérieusement, il lui avait fallu combien de temps pour comprendre ca? Le médecin légiste n’avais certainement pas eu besoin de ses 12 ans d’études pour arriver à la même conclusion.
Par contre, tu fais partie de la vie de Paulina. Je le sais, je l’accepte. Ce que je n’accepte pas, c’est que tu m’interdises de la voir. Though it up boy, et fait avec. Ce n’était pas son problème de savoir ce que l’autre acceptait ou pas, ca n’allait, de toute façon rien changer à son attitude a lui, et sa position n’allait pas non plus être modifié par cette petite révélation. Pour tout dire, il n’en avait rien a faire, c’était comme ca, et pas autrement. J’ai besoin de la voir […] laisse-moi faire les choses correctement.
Thorsten lui lança, encore une fois, un regard et un reniflement méprisant. Encore une fois, il fallait y penser avant de jouer à l’imbécile et de la faire fuir de chez toi… Et…. De ce que j’ai compris, elle t’a déjà quitté. Il resta silencieux pendant quelques secondes, faisant mine de réfléchir à la proposition. Ecris lui une lettre. J’ai tout mon temps. Si tu es gentil, je pourrai même lui apporter moi même plutôt que de te laisser la glisser dans sa boite aux lettres.